Médiation et Médiatisation Act.2
MÉDIATION – MÉDIATISATION
a) Quelle est l’origine de ces deux concepts ? |
b) Quelles en ont été les évolutions ? |
c) Quelles en sont les définitions actuelles ? |
d) Quels en sont les domaines d’application respectifs ? |
e) Comment peut-on penser leur articulation ? |
f) Quelles sont les formes de médiation ? |
Rendre visible l’invisible
INTRODUCTION
Ces mots définissent un thème déjà ancien, le médium, l’ange ou le fantôme, celui qui passe du monde actuel ou perceptible au monde virtuel ou imperceptible. C’est aujourd’hui le thème privilégié d’une discipline de l’hypermodernité, à la fois science de l’information et de la communication mais aussi science de l’éducation et de la formation, la médiologie. Le médiologue étudie deux phénomènes. Le premier phénomène est l’influence d’une culture sur la production ou l’adaptation de moyens techniques. Le second phénomène est l’évolution, le changement des mentalités et des comportements d’un groupe humain lorsque ce dernier s’approprie une nouvelle technologie de transport des textes (in Lévy, La vitesse technologique p. 8/9). Le médiologue observe les corrélations entre les évolutions épistémiques et celles des véhicules techniques et sociaux (Bélisle, bibliographie Pourquoi des médiologues ?). Un des grands médiologues actuels, Bernard Stiegler, est directeur général adjoint de l’I.N.A., l’Institut national de l’audiovisuel. Tout un symbole.
Pour définir et dater les rapports de Médiation et Médiatisation, il faut revenir à la définition d’un média, mais pas au sens de Marshall MCLuhan qui considérait chaque extension ou prolongement technologique de l’homme comme un média. MCLuhan confondait un procédé technique (comme la presse de Gutenberg ou la radiodiffusion hertzienne) avec l’outil défini par Bergson comme un prolongement de la main.
Voici la définition que donne Francis Balle, spécialiste des médias et directeur de l’Institut de recherche et d’études sur la communication de Paris (in Médias et Société – Ed Monchrestien) : « Un média est un équipement technique permettant aux hommes de communiquer leur pensée, quelles que soient la forme et la finalité de l’expression. » Balle considère trois familles de médias :
- celle des médias autonomes qui comprend tous ceux des supports sur lesquels sont inscrits les messages et qui ne requièrent de raccordement à aucun réseau particulier (livres, journaux, audiogrammes et vidéogrammes, logiciels)
- celle des médias de diffusion large ou étroite
- celle des médias de communication qui comprend tous les moyens de télécommunications qui permettent d’instaurer, à distance et à double sens, un dialogue entre personnes et/ou machines.
Partant de ce principe d’équipement technique permettant la communication, on peut distinguer : la médiation qui, du point de vue de la psychologie, est un processus par lequel la pensée tire des données des sens, une connaissance abstraite (du bas latin mediatio – vers 1300 – Larousses Lexis) et la médiatisation (en anglais Mediation), qui est une médiation technologique, et qui est au cœur des pratiques médiatiques.
LA MÉDIATION
Dès les années 1920, Vygotsky donne une place centrale à la médiation dans son approche psychologique des processus mentaux. La médiation par le langage (un des principaux outils socioculturels) change fondamentalement les opérations de pensée qui s’appellent raisonnement et déduction, attention et mémorisation. Pour Vygotsky, les connaissances se construisent par l’interaction avec l’environnement social, culturel et historique. Cette dimension permet de comprendre comment les médias et les moyens de communication modernes contribuent à structurer la pensée des nouvelles générations.
Avec les travaux de Lev Vytgotski puis plus tard Jérôme Bruner et Reuven Feuerstein dans les années 1950 à 1970, est apparu le fait qu’un véritable apprentissage nécessite une médiation humaine pour que l’apprenant puisse appréhender et organiser l’information d’une façon toujours mieux adaptée. Ainsi, la médiation est une interaction relationnelle qui s’inscrit dans un environnement prenant en compte un sujet apprenant, un objet, une tâche, un médiateur (un adulte, un expert ou un pair), une situation d’apprentissage. La médiation est l’action d’un tiers pour aider une personne à mieux fonctionner sur le plan intellectuel. Au schéma de base de l’apprentissage proposé par Piaget :
Stimulus ->> Organisme ->> Réponse |
Feuerstein ajoute cet élément de médiation :
Stimulus ->> Médiation humaine ->> Organisme ->> Réponse |
Si la médiation favorise l’acquisition des connaissances, elle permet surtout au sujet d’apprendre à apprendre ; elle constitue une intervention structurante pour l’apprenant.
LA MÉDIATISATION
La médiatisation, elle, (Mediation of Learning) est une médiation par un outil cognitif externe technologique, en l’occurrence un outil informatique ou un environnement informatisé. La technologie ne permet pas un apprentissage direct et médiat, ce qui signifie qu’un apprenant n’apprend pas des ordinateurs, livres, vidéos ou autres dispositifs mais cette technologie doit servir à faciliter le processus de construction du savoir. Sharon J. Derry décrit en 1990 les outils cognitifs comme des dispositifs mentaux et informatiques qui étendent le processus de pensée de leurs utilisateurs. Pour David H. Jonassen, les outils cognitifs sont des ressources intelligentes avec lesquelles l’apprenant collabore de manière cognitive dans la construction de ses connaissances. Par conséquent, plutôt que de développer pour l’apprentissage du matériel informatique et multimédia surpuissant, il vaut mieux développer des outils qui facilitent le processus de la réflexion. Certains auteurs ont analysé l’histoire de la formation à distance à partir de l’évolution des médias et des différentes technologies sur lesquelles elle s’est construite. Nipper (1989), par exemple, a proposé trois grandes étapes, trois repères chronologiques :
- L’imprimé qui marque le début de la formation à distance et constitue la base des cours par correspondance. L’imprimé est le principal vecteur d’enseignement et de tutorat.
Historiquement, certains médias comme la radio ont été utilisés pour la diffusion d’information et de matériaux pédagogiques mais à titre complémentaire et de façon non systématique.
- Dès les années 60, s’ouvre l’ère du multimédia caractérisée par un usage de différents médias (imprimé, radio, télévision, vidéo) complémentaires et coordonnés en vue d’un objectif pédagogique commun.
- Dans les années 80, avec la naissance de la micro-informatique puis de la télématique, commence l’époque contemporaine, celle d’Internet, des hypermédias et du multimédia multi-utilisateur.
DOMAINES ET FORMES
Les domaines d’application de la médiation sont multiples ; on relèvera : l’apprentissage, la transmission des connaissances, la psychologie, l’anthropologie, la construction de l’esprit, la libération de la mémoire, les chaînes opératoires machinales, la domestication du temps et de l’espace, la domestication de la pensée sauvage, les sciences du langage, les sciences de l’éducation, les sciences cognitives.
- Technologies : se rendre compte des spécifités de la médiatisation des contenus éducatifs, de la médiation technologique et de la communication médiatisée pour développer des dispositifs de communication et de formation médiatisées
- Sciences de la communication, principalement la sémiopragmatique qui inclut la dimension relationnelle de la communication et l’instrumentalisation de la communication
- Sciences de l’éducation : la communication éducative médiatisée joue un role central dans les dicours sur les innovations dans l’éducation (role des nouveaux médias dans l’éducation, nouveaux roles médiateurs des acteurs et des outils technologiques dans les dispositifs des FOAD….), enjeux éducatifs, financiers et professionnels de la médiatisation des contenus éducatifs.
- Sciences du langage : la sémiotique, le processus linguistique et pragmatique de la communication médiatisé (analyse des interactions verbales, rôle de l’interface sur les processus d’argumentation, de négociation et de collaboration…)
- Les sciences cognitives au sens large (la psychologie) : l’instrumentalisation, en quoi les technologiques peuvent étayer les processus cognitifs lors d’activités d’apprentissage (acquisition de concepts et de compétences)
- Anthropologie : facteurs culturelles dans la médiation et la médiatisation, l’intégration des technologies dans l’agir humain.)
- Sociologie : Interactions sociales, influence de la médiatisation sur les rapports sociaux…
Mais les formes sont moindres. Peraya les recense au nombre de 4 : technologique, sensori-motrice, sémiocognitive et sociale.
- La médiation technologique ou médiatisation : c’est ce qui concerne l’outillage, l’aspect technique. Cette médiation se trouve en amont de la conception d’une tâche car, si elle en est l’outil, elle devra connaître ses fonctions, son utilité. Quand une tâche est élaborée il est important de savoir comment, avec quels moyens elle pourra être traité. La psychologie lui reconnaît un statut d’outils cognitif.
- La médiation sensori-motrice : selon l’approche expérimentaliste, les fonctions cognitives de catégorisation reposent sur notre perception sensori-motrice. Ce qui signifie que nous intégrons des concepts à partir de notre insertion corporelle dans le monde et de nos expériences préconceptuelles qui en découle. L’intérêt de cette approche se situe sur deux niveaux : le premier est celui de l’importance des structures perceptives et du processus de métaphorisation dans la conceptualisation. Le deuxième est de penser le langage comme porteur de significations culturelles.
- La médiation sémiocognitive : c’est le rapport qu’il peut y avoir entre la pensée, ses opérations et les signes externes de la culture. Mais il existe une circularité d’influence entre le mental et les signes externe : c’est la question de savoir lequel précède l’autre. Il existe deux questions proposées pour tenter de répondre à cette question qui seraient les suivantes: comment les langages s’ancrent-ils dans les représentations et opérations mentale ? et la deuxième est l’inverse de la première et porte sur la rétroaction des signes externes de la vie mentale.
- La médiation sociale : c’est dans le courant du développement, avec Piaget et Vygotsky, que la médiation sociale est définie comme une activité intra-individuelle issue de l’intériorisation de la relation individuelle. Selon, J.P. Bronckart le processus de validation des significations se fait dans l’interaction sociale.
CONCLUSION
Aujourd’hui, l’articulation des deux concepts médiation et médiatisation se conçoit parfaitement au sein d’un dispositif de formation hybride car il se caractérise par la présence dans un dispositif de formation de dimensions innovantes liées à la mise à distance. Ce même dispositif hybride, parce qu’il suppose l’utilisation d’un environnement techno pédagogique, est basé sur des formes complexes de médiatisation et de médiation.
Ainsi, la médiation devient une modalité d’intervention nécessaire en F.O.A.D. dans la mesure où l’apprenant se retrouve en rapport direct avec le savoir. L’absence d’intermédiaire pour transmettre le savoir fait apparaître des besoins de régulations ; ces besoins de régulations étaient en partie satisfaits lorsque l’enseignant pouvait être attentif à la réceptivité et à la compréhension des élèves tout en donnant son cours. Or dans le cadre d’une formation à distance telle que nous l’expérimentons, le rôle du médiateur-tuteur n’est pas de transmettre le savoir, mais de favoriser l’appropriation de celui-ci par l’apprenant. Le tuteur, médiateur, facilitateur est donc celui qui REND VISIBLE L’INVISIBLE.