Le sujet qui suit est tiré des archives de l’INA. Son intérêt réside dans la comparaison de deux extraits télévisés qui jouent fortement sur le point de vue.
©INA LES FAITS DIVERS À LA TÉLÉVISION
De tous les faits divers, les homicides sont ceux qui font l’objet de la plus abondante couverture médiatique. Cela est encore plus vrai des crimes pour lesquels la justice est impuissante à confondre les auteurs présumés. Ainsi naissent les “grandes affaires” et les “grands procès”. Ces feuilletons judiciaires passionnent le public car ils reposent le plus souvent sur une énigme : celle d’une personnalité, d’un mobile ou d’un objet.
Ouverture du Procès de Marie Besnard 28/02/1952 – 00h01m46s
L’affaire Marie Besnard est sans doute, avec l’affaire Dominici, celle qui a le plus défrayé la chronique judiciaire des années d’après-guerre. Le nombre de victimes frappe l’imagination. Mais c’est surtout la représentation médiatique de l’assassin présumé, présenté tour à tour comme « l’empoisonneuse » et « la bonne dame de Loudun », qui va assurer la popularité de ce fait divers hors norme.
Reportage des « Actualités françaises », le premier extrait (1952) frappe par sa forme narrative : l’ouverture et la clôture du sujet dont l’écriture s’apparente à celle d’un reportage d’actualité (arrivée de Marie Besnard à l’ouverture de son procès) encadrent en effet une séquence de style cinématographique. On y parcourt le cimetière de Loudun en marquant des pauses devant les tombes des « victimes ». Cette visite macabre met le téléspectateur en situation : la caméra subjective simule son cheminement (de l’ouverture des grilles aux différentes stations), la mise en scène l’invite à accomplir les rites de circonstance (figuration d’une main qui dépose une gerbe sur une pierre tombale), les mouvements d’appareil et les angles de prise de vue s’accordent à son regard. Ces partis pris ont pour effet de dramatiser un récit qui fonctionne sur la focalisation interne (identification au visiteur) et fait appel à la métaphore : ainsi l’apparition récurrente du corbillard dans la séquence.
Gilles PERRAULT à propos de la médiatisation de l’affaire Marie BESNARD 12/10/1987 – 00h03m08s
L’intérêt du second extrait (1987) est manifeste. Il nous propose un enchâssement de regards : celui des Actualités télévisées sur « l’empoisonneuse », celui de Gilles Perrault sur les archives, celui de François Chalais sur l’affaire, celui de Marie Besnard sur elle-même. Ainsi la télévision livre à notre sagacité des univers de représentation qu’elle met en abyme, rejetant pour l’occasion la critique d’une relation passive et candide que le téléspectateur aurait à l’image, interrogeant la légitimité de procédés qu’elle affectionne car ils font appel à l’émotion (mise en scène de Marie Besnard à qui l’on demande de s’adresser au téléspectateur face à la caméra).
VOIR aussi l’article publié : Assassin de la Saint-Valentin