Paris au XXe siècle
Il peut être très intéressant de conceptualiser un texte, spécialement lorsqu’il s’agit d’un texte descriptif ou narratif particulièrement difficile, soit sous la forme d’un dessin ou sous la forme d’un schéma reprenant les connecteurs chronologiques ou logiques.
Dans le cas du texte suivant, les apprenants cherchent à dessiner le Paris qu’avait imaginé J. Verne sous la forme d’un plan. On peut facilement faire également un rapprochement avec certaines villes d’aujourd’hui.
Texte :
Quatre cercles concentriques de voies ferrées formaient donc le réseau métropolitain… On pouvait circuler d’une extrémité de Paris à l’autre avec la plus grande rapidité. Ces railways existaient depuis 1913… Ce système consistait en deux voies séparées, l’une d’aller, l’autre de retour ; de là, jamais de rencontre possible en sens inverse. Chacune de ces voies était établie suivant l’axe des boulevards, à cinq mètres des maisons, au-dessus de la bordure extérieure des trottoirs ; d’élégantes colonnes de bronze galvanisé les supportaient et se rattachaient entre elles ; ces colonnes prenaient de distance en distance un point d’appui sur les maisons riveraines, au moyen d’arcades transversales. Ainsi, ce long viaduc, supportant la voie ferrée, formait une galerie couverte, sous laquelle les promeneurs trouvaient un abri contre la pluie ou le soleil ; la chaussée bitumée était réservée aux voitures…
Les maisons riveraines ne souffraient ni de la vapeur ni de la fumée, par cette raison bien simple qu’il n’y avait pas de locomotive. Les trains marchaient à l’aide de l’air comprimé…
La foule encombrait les rues ; la nuit commencait a venir, les magasins somptueux projetaient au loin des éclats de lumière electrique qui rayonnaient avec une incomparable clarté, et au même moment les cent mille lanternes de Paris s’allumaient d’un seul coup.
Des innombrables voitures qui sillonnaient la chaussée des boulevards, le plus grand nombre marchait sans chevaux ; elles se mouvaient par une force invisible au moyen d’un moteur à air dilaté par la combustion du gaz…
Les moyens de transport étaient donc rapides dans les rues moins encombrées qu’autrefois, car une ordonnance du ministère de la Police interdisait à toute charrette ou camion de circuler après dix heures du matin.
Ces diverses améliorations convenaient bien à ce siècle fiévreux où la multiplicité des affaires ne laissait aucun repos et ne permettait aucun retard.
Qu’eût dit un de nos ancêtres à voir ces boulevards illuminés avec un éclat comparable à celui du soleil, ces mille voitures circulant sans bruit sur le sourd bitume des rues, ces magasins riches comme des palais d’où la lumière se répandait en blanches irradiations, ces voies de communication larges comme des places, ces places vastes comme des plaines, ces hôtels immenses dans lesquels se logeaient somptueusement vingt mille voyageurs… et enfin ces trains éclatants qui semblaient sillonner les airs avec une fantastique rapidité.
Il eût été fort surpris sans doute ; mais les hommes de 1960 n’en étaient plus à l’admiration de ces merveilles ; ils en profitaient tranquillement sans être plus heureux, car, à leur allure pressée, on sentait que le démon de la fortune les poussait en avant sans relâche ni merci.
Extraits de Jules Verne. Paris au XXe siècle (projet de roman de 1863), chap. II, « Aperçu général des rues de Paris ». Hachette, 1994.
Lexique
- Concentriques (adj.) : se dit de cercles qui ont le même centre.
- Galvanisé (adj.) : recouvert d’un métal.
- Arcades transversales : ensemble formé de plusieurs arcs reliant let maisons entre elles.
- Viaduc (n. m.) pont élevé ou long qui permet de franchir une vallée.
- Bitumé (adj.) : recouvert de goudron.
- Dilaté (adj.) : qui a augmenté de volume.
- Charrette (n. f.) : voiture à deux roues.
- Fiévreux (adj.) : dans l’agitation.
- Qu’eût dit …: qu’aurait dit…
- Irradiation (n. f.) effet rayonnant.
- Sans relâche ni merci : sans interruption.